Et ailleurs en Europe ?

Sommaire général
Remarques préliminaires
Module 1 : Quel type de rapport allez-vous produire ?
Module 2 : Comment présenter votre rapport ?
Module 3 : Comment situer vos idées et celles des autres ?
Module 4 : Comment structurer votre rapport ?
Remarques préliminaires
Comment bien formuler le titre ?
Les procédés déclencheurs d'idées
Le plan à la française : introduction, corps du texte en 3 parties et conclusion
Et ailleurs en Europe ?
Module 5 : Comment faire pour qu'un texte soit cohérent et dynamique ?
Module 6 : La bibliographie
Module 7 : Table des matières, Annexes, illustrations et légendes, index

 

 

Quelles sont les tendances ou les habitudes quand on rédige par exemple en anglais , allemand, italien ou espagnol?

Si nous analysons les habitudes de rédaction de nos voisins européens et comparons les stratégies de la communication écrite en différentes langues européennes, nous constatons de manière empirique, un certain nombre de tendances. Les avis sont encore partagés car le problème est profond. D'abord parce qu'en changeant de langue, tout chercheur doit aussi changer de structuration de sa pensée. Deuxièmement, l'expérience montre que chez les rédacteurs, ces changements s'installent ensuite dans la langue maternelle ! On n'écrit jamais plus comme "avant".


Vous pouvez nous envoyer vos commentaires à graziellafarina@gmail.com ou à colette.kleemann@eui.eu

 

1- en anglais

2- en allemand et en italien

3- en espagnol

 

1- En anglais le texte argumentatif est synthétique.


Il se fonde sur une succession de paragraphes qui doivent être bien structurés. Le thème principal que l'auteur veut traiter dans un paragraphe doit être formulé de façon explicite en une ou deux phrases. Puis, pour soutenir le thème central du paragraphe, un certain nombre d'arguments ou d'exemples (en énumération ou en crescendo) sont ajoutés pour donner du poids à l'affirmation de départ. Ces phrases argumentatives doivent être reliées (par des connecteurs) à la phrase qui contient l'idée principale.

Le plan d'un texte anglais ("Linking") consiste en une série de paragraphes (3, 5, 10, peu importe leur nombre qui n'est absolument pas déterminé par l'habitude.) La succession logique de ces paragraphes, contrairement à la tradition française, n'est pas explicite, sauf peut-être dans l'orientation générale donnée dans l'introduction. L'auteur fait confiance au lecteur pour établir un lien dans la succession des idées et des thèmes traités. La logique est implicite. Un nouveau paragraphe présuppose l'acquis du précédent. Il se fonde sur cet acquis pour continuer mais NE LE DIT PAS. Le texte anglais laisse toute latitude au lecteur de glisser entre les lignes sa propre compréhension des choses et d'y apporter un sens individuell lié à son expérience. Le lecteur n'est pas verrouillé par des liens logiques limitant ses apports personnels et ses associations d'idées.

Pour employer une métaphore de la maçonnerie, les pierres de la construction anglaise sont stables par elles-mêmes et tiennent "à sec". En français, le ciment est essentiel : les liens sont visibles (avec des termes comme "nous verrons d'abord…", "pour analyser ensuite…", "et aborder enfin…") Ne dit-on pas en français d'un dossier bien construit qu'il est "en béton" ? Un conférencier français vous dira qu'il se sent prêt quand il a son plan. Cela veut dire qu'il a fixé l'itinéraire où il va convier l'esprit de ses auditeurs/lecteurs à le suivre. Mais on suit le guide. On ne s'égaille pas dans les fourrés des jardins à l'anglaise !

En français, la clarté des paragraphes est exigée, comme en anglais, mais deux ou trois paragraphes doivent être reliés en une partie et chaque partie doit être justifiée explicitement par rapport à celle qui précède et à celle qui suit. En anglais, on suppose que le lecteur n'a pas oublié ce qui vient d'être dit. L'auteur anglophone évite de se répéter ou de perdre son temps en longueurs et précautions oratoires. Les lecteurs français trouvent ce style décousu, surtout si les paragraphes sont faits d'une succession de phrases de 3 lignes séparées par une ligne blanche. (L'horreur pour un lecteur français). Pour un Français, une présentation à l' anglaise suscite l'irritation parce que l'on ne sait pas où l'on va. C'est un repas dont le menu ne se trouve pas écrit à côté de l'assiette. Surprise continue, arbitraire total, pas de contrat d'attente passé avec l'auditeur/lecteur. Dans le meilleur des cas, ce dernier ne pourra adhérer à l'argumentation logique qu'a posteriori. Impossible, dans l'arbitraire de la présentation des pensées, de juger si l'auteur est au moins logique avec lui-même puisqu'il ne dit pas ce qu'il a l'intention de faire. Nous appelons sans aménité ces textes des mosaïques. Un lecteur habitué au "déstructuralisme" anglo-saxon trouvera en revanche notre procédé manipulateur, formel, dictatorial, digne de la méthode de Procuste! Pour la rédaction en anglais, en particulier pour les Sciences politiques, voir module 1: The 'Ideal' Research Proposal, texte du Prof. Philippe Schmitter, IUE, 2002.


2- Le texte argumentatif en allemand et en italien


Dans les deux cultures, chercher une réponse à une question scientifique exige une analyse de ce que d'autres auteurs ont déjà dit sur la question. Ce qui est très mal vu en français, sauf pour les monographies critiques.

Pour un chercheur italien, au contraire, passer en revue ce qu'a dit la critique est indispensable avant de présenter un point de vue nouveau ou une question sous un autre angle ou en mettant l'accent sur des aspects encore non abordés. Le rédacteur italien sera en particulier attaché à définir le concept central de son discours ("Il concetto").

De même, pour satisfaire au code de communication de la communauté scientifique allemande, les chercheurs et chercheuses de cette culture doivent commencer par une analyse critique comparée de l'avis de leurs prédécesseurs. C'est de cette façon que les doctorants prouvent qu'ils savent de quoi ils parlent, qu'ils peuvent s'arroger l'autorité de faire valoir leur opinion pour faire avancer la science et prouver ainsi qu'ils peuvent faire légitimement partie de cette communauté dont ils maîtrisent le langage spécifique et la tradition. Concrètement, cette présentation critique de la pensée des autres peut aller jusqu'à un tiers du document.


3- Le texte argumentatif en espagnol


Ce qui saute aux yeux, c'est l'importance des liens syntaxiques pour rassembler les preuves à l'appui de l'argumentation : c'est par coordination et par subordination que la langue espagnole aime faire avancer le texte. En revanche, les liens entre les parties ou les liens entre les paragraphes sont souvent implicites.

L'écriture d'un rapport écrit en français par un/e hispanophone gagnera beaucoup à expliciter les liens ou à mettre des connecteurs entre les idées et entre les paragraphes.

La construction par subordination est habituelle pour un rédacteur hispanophone. Mais elle devient rapidement lourde en français. L'attention majeure du rédacteur ou de la rédactrice devra être portée sur la division en phrases n'excédant pas 3 lignes ou 25 mots environ. D'une façon générale, le rédacteur doit prendre garde à l'énorme différence entre le code oral et le code écrit pour la structure de la phrase et celle des paragraphes. La ponctuation en particulier transpose les intonations qui sont propres à la langue orale.

 

 
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  20/1/10